Ken, pourrais-tu te présenter en quelques mots ?
Oui ! Mon nom est Ken Emerson. Je suis originaire de la Baie de San Francisco, bien que je me sois installé dans l’île d’Hawaï. J’y ai appris la musique des îles, la pratique de la guitare hawaïenne et, plus particulièrement, de la guitare steel.
Ce sont des particularités de la culture hawaïenne. Le fait d’y vivre peut te permettre d’avoir de bonnes connexions afin de te permettre d‘approfondir tes connaissances dans le domaine.
Pourquoi as-tu décidé de te spécialiser dans la pratique de la « steel guitar », est-ce lié à des influences particulières ?
Oui, parmi mes premières influences, il y avait Johnny Winter. Je l’ai découvert avant de partir pour Hawaï…
Alors que je vivais dans la banlieue de San Francisco en 1962, j’ai commencé à jouer de la guitare. Mon grand frère et ma sœur jouaient déjà de la musique (Ken est issu d‘une famille dont de nombreux membres pratiquent au moins d‘un instrument, Nda).
J’étais très jeune mais j’écoutais attentivement. Puis, je suis devenu un vrai fan de Blues acoustique et de Blues électrique. Mon père avait une très importante collection de disques (Jazz, Swing, World Music, musiques d’Hawaï mais aussi Blues Traditionnel, Nda) qui a eu une grande influence sur moi.
J’ai commencé à jouer plus sérieusement vers le milieu et la fin des années 1960 en m’inspirant d’artistes tels que Paul Butterfield ou Charlie Musselwhite dont j’écoutais les disques.
Johnny Winter m’a particulièrement impressionné par son jeu en slide, surtout lorsqu’il pratiquait cela avec sa guitare « National ». Son côté électrique me plaisait bien aussi lorsqu’il revisitait la musique du Delta, juste avant la mort de Muddy Waters.
As-tu rapidement rejoins la scène professionnelle ?
En fait cela a commencé à l’école avec des groupes de Lycée. Puis j’ai commencé à en faire mon travail régulier vers 1974. Je jouais déjà beaucoup de musique avant mais c’est à ce moment là que tout s’est accéléré…
Aujourd’hui toutes ces influences se mêlent-elles dans ta propre musique ou te considères-tu comme un authentique artiste de blues ?
Non ma musique n’est pas un Blues aussi pur que celui de Freddie Roulette (avec lequel Ken tournait, aux côtés de Claude Langlois, au moment de l’interview). Je la considère davantage comme une combinaison de styles variés que je prends un malin plaisir à mélanger. Je ne me sens pas lié à un genre de musique en particulier.
Est-ce que tu composes toi-même beaucoup de morceaux ?
Oui, absolument, j’ai composé beaucoup de morceaux et j’en suis très heureux !
Quels sont les thèmes récurrents dans tes chansons ?
(rires)… Les femmes… (rires)… Le whisky et les femmes (rires) !
N‘est-ce pas Freddie, le whisky et les femmes sont les deux meilleurs sujets ! (Ken s’adressant alors à Freddie Roulette qui assistait à l’entretien, Nda).
Ce sont à la fois des passions et des sujets de chansons (rires) !
Est-il facile de vivre d’une musique aussi spécifique aujourd’hui aux Etats-Unis ?
Les musiques reviennent toujours et renaissent de leurs cendres. Il n’y a pas de raison pour que cela ne permette pas au Blues de retrouver, aussi, une plus grande popularité. Il y a eu des périodes difficiles comme dans la deuxième partie des années 1970 avec ce terrible fléau qu’a été la musique Disco (rires).
Comme tu le sais, le Blues avait retrouvé tout son éclat dès le début des années 1980 sous l’impulsion des Blues Brothers. Il y avait alors de nombreux Festivals et c’était vraiment une période durant laquelle le Blues surfait sur la vague. Dans cette musique, il y a toujours eu de l’entraide entre les artistes. Ainsi les grands artistes noirs n’ont jamais hésité à encourager, à donner des conseils ou aider des musiciens plus jeunes comme cela a été le cas pour Stevie Ray Vaughan à son époque…
Je me considère comme quelque un de très chanceux pour avoir pu travailler sur des albums avec des gens que j’admire. J’ai ainsi travaillé avec Charlie Musselwhite ou avec Freddie Roulette pour « Man of Steel» (Ken a aussi enregistré pour Donald Fagen, Todd Rundgren etc…) !
Quand je n’étais qu’un enfant, je me disais que cela pourrait être formidable de rencontrer, un jour, des gens comme eux. Aujourd’hui je travaille avec eux, c’est un peu un rêve qui serait devenu réalité…
Tout cela me rend très heureux, de jouer avec mes héros !
Peux-tu revenir sur ta discographie ?
Tu sais il y a une chose importante qui a beaucoup changé. Dans les années 1960, 70 et même 80, le fait d’enregistrer un disque était une chose de très onéreuse. Il n’y avait pas encore de « home studio » et d’appareils digitaux qui rendent, aujourd’hui, les choses bien plus faciles.
J’ai eu beaucoup de chance d’enregistrer mais je n’ai commencé que vers le milieu ou la fin des années 1970. Avant c’était une chose impossible. À cette époque, si tu n’avais pas de label : tu étais quelque un de très malchanceux.
Mes premiers enregistrements ont du être réalisés au milieu des années 1970 en Californie. Puis je suis parti à Hawaï en 1978 où j’ai eu la chance de trouver un contrat et de pouvoir jouer un Blues empreint de culture hawaïenne et de steel guitar (Il semble que le premier enregistrement important de Ken soit un disque de 1979 enregistré en duo avec son frère Phil « The Emerson », Nda).
Avec d’autres artistes, nous avons essayé de redonner un second souffle à ces musiques traditionnelles qui étaient populaires dans les années 1920 ou 1940...
Parmi ces gens il y avait Bob Brozman qui a un peu pris la même route que moi…
Que représente pour toi le fait de venir en France à l’initiative d’un musicien français, en l’occurrence Claude Langlois ?
Tu sais, par le passé j’ai souvent joué du Blues en Angleterre où je suis allé assez souvent. Il faut dire que c’est plus facile car je n’y suis pas confronté à la barrière du langage, ce qui est une bonne chose !
Ceci dit j’avais déjà eu l’occasion de venir à Paris, ne serait-ce que pour visiter. Ainsi à la fin des années 1990 j’avais prix le train qui passe dans le tunnel sous la manche pour venir. De ce fait, j’ai pu voir tous les magasins de guitares et me rendre compte qu’il y a beaucoup d’excellents guitaristes dans ce pays, y compris dans le domaine de la slide. J’admire beaucoup Paul Personne par exemple…
Puis j’ai commencé à jouer avec Claude Langlois et Pascal « Baco » Mikaelian (musiciens de Patrick Verbeke qui avaient formé le groupe « The Duo », Nda) à l’été 2003.
Nous avons fait des concerts ensemble dans des Clubs à Paris et dans quelques Festivals. Puis je suis retourné aux USA et j’ai navigué entre Hawaï et la Californie. J’ai donné des concerts dans la Baie et j’ai commencé à jouer avec Freddie Roulette ainsi qu’avec un ami, Henry J. Kaiser. Puis j’ai donné un petit coup de main à Freddie pour l’enregistrement de son dernier album réalisé à Berkeley…
Plus tard Claude est venu à San Francisco afin de participer à un grand concert donné en la mémoire d‘un organisateur de concerts local qui venait de décéder. C’était une grande réunion musicale qui regroupait une soixantaine de groupes dans un Parc immense. Freddie y participait aussi…
J’ai présenté Freddie à Claude et nous avons discuté ensemble. C’était le premier guitariste français que rencontrait Freddie. Ce dernier s’est dit que cela pourrait être sympa de faire quelque chose ensemble. De son côté, à son retour à Paris, Claude a exactement pensé la même chose et nous a contacté pour nous proposer de tourner sous le nom « Steel Guitar Trio ».
Aujourd’hui nous faisons cette série de concerts ensemble avec une étape en Slovaquie et de nombreux autres concerts, dont un à Brême en Allemagne. C’est vraiment très bien !
As-tu de nouveaux projets ?
Oui, mon prochain projet…
J’ai retrouvé, dans une boite, un nombre important d’enregistrements anciens qui n’avaient jamais été finalisés. Il y a des extraits de sessions anglaises et de choses comme cela. Par exemple certains titres réalisés avec Charlie Musselwhite…
J’avais vraiment un nombre incroyable d’enregistrements qui attendaient dans cette boite…
J’ai donc commencé à travailler dessus et à transférer certaines de ces cassettes sur un support digital.
J’ai également en projet l’enregistrement d’un album consacré au banjo. J’ai commencé à travailler dessus et je bénéficierai de l’appui de quelques très grands musiciens. C’est un projet très excitant…
As-tu autre chose à ajouter ?
J’aime France (en français, Nda) !
J’aime vraiment la France où les gens sont formidables. La musique est un langage universel et c’est vraiment une grande surprise, pour moi et Freddie, de retrouver ici à Cognac autant d’amateurs de Blues.
Cette ville est fantastique et très confortable. Je crois que pour la France « The Home of the Blues » c’est Cognac (rires) !
Mais peut être y’a-t-il beaucoup d’autres endroits semblables…
http://kenemerson.com
http://www.myspace.com/kenemersonguitarist
Remerciements : Gwenaëlle Tranchant du service de presse du Cognac Blues Passions ainsi qu’à Claude Langlois et Denis Leblond.
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